Le devoir de conseil à la trace

Publié le 28 janvier 2025 à 12h03


Durabilité Plan épargne retraite


Dans sa recommandation actualisée, l’ACPR précise ses attentes en matière de devoir de conseil
dans la durée en vie. Le superviseur met l’accent sur l’accompagnement des clients pour
répondre aux nouvelles exigences de durabilité.


Le 21 novembre, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a publié une nouvelle
recommandation, 2024-R-03, sur le devoir de conseil et la fourniture d’un service de suivi
personnalisé. David Charlet, président d’Anacofi, se félicite des précisions apportées :

« L’ACPR, bien qu’elle ne soit pas censée produire de doctrine, détaille de plus en plus ce qu’elle attend des acteurs. Ces précisions permettent de savoir à quoi s’attendre en cas de contrôle, notamment sur
des aspects comme le suivi des clients. »

Ce document, fruit des manques constatés lors de contrôles des intermédiaires et de consultations du marché (assureurs et associations de consommateurs), constitue à la fois une piqûre de rappel pour les distributeurs mais également une réponse aux exigences de la loi Industrie verte d’octobre 2023.

Cette dernière introduit de nouvelles obligations aux distributeurs, notamment en matière de durabilité et de conseil dans la durée.

« Cette recommandation clarifie les bonnes pratiques issues des contrôles menés sur le terrain. Elle ne se contente pas de formuler des recommandations, mais précise concrètement comment recueillir les informations clients et accompagner leurs choix en fonction des produits proposés »,

explique Emmanuel Bouriez, DG de Predictis.

Conseil adapté


Grégoire Vuarlot, directeur du contrôle des pratiques commerciales à l’ACPR, souligne
l’importance de ce texte :

« La mise en place d’un devoir de conseil dans la durée en assurance
vie constitue une grande avancée. Elle permettra d’organiser des points réguliers entre le
distributeur et l’assuré afin que l’allocation de ses fonds corresponde toujours à ses exigences et
besoins, lesquels évoluent dans le temps. Dans cette perspective, la recommandation élargit l’application du devoir de conseil à l’ensemble des contrats d’assurance vie d’ici 2028 et impose une part minimale de fonds non cotés dans les gestions profilées. Ces produits, bien que favorisant l’économie réelle, présentent des spécificités, comme des indemnités de rachat, qui exigent des explications claires de la part des distributeurs.»

Pour David Charlet, cette nouvelle exigence constitue une avancée :

« Ce qui est nouveau, c’est l’intégration obligatoire de fonds non cotés et ESG dans les profils et mandats. Cela dit, des questions persistent sur l’efficacité et la compétitivité des produits, et les gestionnaires devront s’assurer de leur pertinence. »


Pédagogie


Le superviseur attend donc un effort pédagogique supplémentaire pour expliquer les spécificités
des fonds non cotés et autres unités de comptes « vertes ». « Les clients doivent être pleinement informés des caractéristiques et des risques spécifiques des supports proposés », affirme Grégoire Vuarlot.

Pour sa part, Emmanuel Bouriez met en avant le rôle majeur de la distribution :

« Le recueil d’informations doit être clair, précis et compréhensible pour le client.
Les Français, globalement, manquent de formation en matière financière, et il est de notre devoir
de combler ce manque à travers un accompagnement adapté. »

Cette approche implique notamment d’expliciter les notions, parfois complexes, de clause bénéficiaire ou de profil investisseur. Emmanuel Bouriez insiste sur l’importance d’adapter le conseil en fonction des
profils : « L’horizon d’investissement est essentiel : un jeune client de 30 ans n’a pas les mêmes
besoins ou contraintes qu’un client approchant de la retraite. »

Le gendarme de la profession a même introduit une section spécifique concernant le PER, un rappel des éléments prévus dès le projet initial du plan d’épargne-retraite en 2019, notamment l’information sur les options de sortie, la phase de décumulation (une fois à la retraite) ou les possibilités de modifier son profil investisseur.


Le devoir de conseil dans la durée, initialement limité à certains produits, est désormais étendu
à tous les contrats d’assurance vie.

« Depuis DDA, il est clair qu’un courtier doit indiquer s’il assure un suivi dans la durée. Ce que fait l’ACPR, c’est préciser les minima acceptables : un point tous les deux ans pour un suivi actif, tous les quatre ans pour une simple mise à jour ». précise David Charlet.

« Le devoir de conseil ne s’arrête pas à la souscription. Nous devons revisiter régulièrement les objectifs, les besoins et la situation du client », conclut pour sa part le dirigeant de Predictis.

La recommandation entrera en vigueur le 1er janvier 2026 pour une application intégrale d’ici 2028. Elle s’étend également aux contrats d’assurance non-vie, introduisant un suivi régulier pour vérifier que les produits répondent toujours aux besoins des assurés. Grégoire Vuarlot, directeur du contrôle des pratiques commerciales de l’ACPR

Comment tenir compte des préférences de durabilité des épargnants ?
« L’intégration des préférences des clients en matière de durabilité dans le devoir de conseil
constitue une première adaptation de la doctrine de l’ACPR aux récentes exigences
réglementaires.

Les observations de terrain montrent la complexité de cette réglementation ainsi
que des pratiques variées en matière de recueil des préférences et de conseil sur les produits
durables. Dans ce contexte, l’autorité encourage les conseillers à développer une pédagogie
adaptée pour expliquer les critères de recueil des préférences extra-financières à leurs clients.
Elle les invite à se référer aux principes du document d’orientation de l’EIOPA, sans imposer de
mode opératoire unique, afin de permettre aux professionnels de concevoir des dispositifs
équilibrés, accessibles et transparents. L’ACPR insiste également sur l’importance de garantir que le client soit pleinement informé de la dimension extra-financière des produits proposés et de leur adéquation avec ses préférences en matière de durabilité, pour qu’il puisse investir en toute connaissance de cause ».